La 8e édition du Forum de haut niveau de Tana sur la sécurité en Afrique s’est tenue du 3 au 4 mai 2019 et a porté sur le thème : « Les dynamiques politiques dans la Corne de l’Afrique : Consolider les tendances à la paix émergente ». La stabilité nationale et régionale dans la Corne de l’Afrique est primordiale pour la réalisation des composantes essentielles des objectifs de développement durable dans la région. La Corne de l’Afrique est confrontée à une multitude de défis liés, entre autres, à une médiocre gouvernance, à des frontières poreuses et à une croissance économique lente, lesquels sont devenus un obstacle à la formation des nations et une véritable source d’insécurité. Ces problèmes entraînent également des répercussions négatives sur les orientations politiques dans la région et réduisent les perspectives d’une forte intégration régionale.
C’est dans ce contexte que le Secrétariat du Forum de Tana et l’UE ont organisé en marge du 8e Forum de Tana un événement conjoint sur le thème « Comment l’intégration économique affecte la sécurité d’un continent : Expériences de l’UE et de l’UA ». Compte tenu du nombre important de participants de haut niveau qui se réunissent chaque année lors du Forum de Tana, l’UE a collaboré avec le Secrétariat du Forum pour organiser un événement parallèle afin de mener des discussions et d’échanger leurs points de vue sur ce sujet spécifique et d’autres thèmes connexes.
L’objectif principal de l’événement parallèle était d’attirer l’attention sur la question de l’intégration régionale en Afrique, de mieux la faire comprendre aux décideurs politiques et de les inciter à mettre en œuvre les politiques approuvées dans leurs pays ou régions respectifs (« de leur élaboration à leur mise en œuvre »).
Au moins 60 participants parmi lesquels des représentants de l’UA, d’organisations internationales, de la communauté diplomatique, de la société civile et de la jeunesse ont participé à la discussion, qui a eu lieu le vendredi 3 mai, à la veille du 8e Forum de Tana. Situé le long des rives du lac Tana, le site convivial et spacieux de la rencontre a été un cadre propice et facile d’accès pour tous les participants.
Le débat a été animé par le professeur émérite Mohamed Salih de l’Institut d’études sociales de Rotterdam, aux Pays-Bas, et les intervenants suivants y ont participé :
- S.E. John Dramani Mahama, ancien président de la République du Ghana et président du conseil d’administration du Forum Tana.
- Amb. Ranieri Sabatucci, chef de délégation de l’Union européenne auprès de l’Union africaine
- S.E. Albert Muchanga, commissaire au commerce et à l’industrie, Commission de l’Union africaine
- M. Carl Michiels, directeur, Centre européen de gestion des politiques de développement (ECDPM), Pays-Bas
- Mme Aya Chebbi, envoyée auprès de la jeunesse, Commission de l’Union africaine
- M. Brian Kagoro, directeur exécutif, Uhai Africa Private Limited
Voici quelques-uns des points saillants des discussions :
- La paix qui prévaut en Europe à la suite de la Seconde Guerre mondiale est le résultat de l’intégration économique. L’objectif sous-jacent à la création de l’UE était de garantir la paix et la sécurité, et pas seulement l’intégration économique. L’intégration économique a pu être réalisée grâce à la paix et à la sécurité qui prévalent dans la région. D’autre part, l’Union africaine met l’accent sur l’intégration économique tout en œuvrant pour la paix et la sécurité.
- L’ouverture et la solidarité entre États voisins sont les deux principaux éléments d’une intégration économique réussie. Ils ont ajouté que l’intégration nécessite l’ouverture des frontières et la possibilité pour les résidents des pays voisins d’interagir plus fréquemment.
- L’intégration économique est une partie inégale dans laquelle certains pays gagnent toujours plus que d’autres, car chaque pays a une situation différente. Par conséquent, il est primordial de faire preuve de solidarité pour que l’ouverture soit bénéfique à tous les acteurs de l’intégration.
- L’intégration économique est un processus politique. La mise en relation de personnes grâce au commerce favorise une compréhension mutuelle qui renforce la confiance entre elles. Cette interdépendance signifie que les États risquent de perdre davantage en entrant en guerre qu’en maintenant le statu quo. En outre, chaque pays africain a quelque chose d’unique à offrir aux autres pays, ce qui pourrait contribuer à accélérer la dynamique d’intégration.
- Le représentant de la Commission de l’UA pour le commerce et l’industrie a informé les participants que lors du sommet de l’Union africaine en juillet 2019, la zone de libre-échange sera lancée sur le continent africain. Il a en outre informé qu’un nombre suffisant de pays ont ratifié l’accord de libre-échange continental africain (ZLECAf) conçu pour promouvoir les échanges commerciaux entre les pays africains et ouvrir la voie à la création future d’une union douanière continentale pour le mettre en vigueur ;
- Même si des mécanismes sont en place, cela ne signifie pas toujours qu’ils fonctionnent. Les acteurs régionaux sont plus susceptibles d’intervenir, car ils sont plus exposés au conflit et risquent davantage de subir des conséquences ;
- Les intérêts nationaux changent avec le temps, tout comme le rôle des puissances régionales et des groupes d’intérêt (OSC/ONGI/ONG) ;
- L’intégration économique doit prendre en compte les événements marquants, tels que les catastrophes naturelles, qui se produisent de temps à autre sur le continent. Ces sinistres peuvent avoir des effets négatifs sur les cadres politiques et économiques, rendant ainsi l’intégration régionale plus complexe et plus difficile ;
- Le rôle des pays hégémoniques tels que le Nigeria et l’Afrique du Sud. La question a été soulevée de savoir si les deux grandes puissances allaient travailler ensemble et jouer leur rôle de catalyseur de l’intégration régionale et continentale.
- Les femmes sont les forces motrices des économies car ce sont elles qui produisent sur le continent africain. En outre, le discours négatif sur la jeunesse africaine doit être changé car les jeunes jouent un rôle important dans le mouvement d’intégration économique. Ils doivent également être unis autour d’une identité collective qui redéfinit le panafricanisme.
- L’Afrique doit trouver sa propre méthode d’intégration au lieu d’imiter celle des autres. Elle a ses propres spécificités géographiques, géopolitiques et économiques, auxquelles elle doit faire face et sur lesquelles elle doit s’appuyer. Il y a également une fragmentation de la population et une idée reçue selon laquelle les jeunes ne font pas de commerce. Les chaînes de valeur régionales devraient faire l’objet de discussions participatives afin de s’assurer que les ressortissants des États membres ont le sentiment de profiter ou de profiter du commerce découlant de l’intégration économique.
- Les participants ont posé la question suivante : qu’est-ce que la prospérité inclusive ? Ils ont également fait remarquer qu’il est nécessaire de mettre en place un marché commun des compétences et de promouvoir la liberté de circulation, deux éléments essentiels à la prospérité inclusive et à l’intégration régionale.
- Les participants ont également appelé les États membres à adopter une approche consultative multipartite dont tous les citoyens tireront profit, car c’est le moyen le plus efficace de promouvoir et de garantir une intégration économique sur le continent.
Principales recommandations
- Les participants ont reconnu l’existence de cadres juridiques destinés à l’intégration économique. Ils devraient toutefois être modifiés pour tenir compte de l’évolution de la situation et des besoins des États membres africains ;
- Des efforts supplémentaires devraient être entrepris pour que les normes soient harmonisées, que des lignes directrices et des cadres soient élaborés et que les facteurs favorisant l’intégration économique soient renforcés ;
- L’Union européenne peut soutenir les efforts d’intégration de l’Union africaine en partageant son expérience et son expertise sur le plan technique ;
- Pour faire le suivi de l’événement parallèle, les participants ont proposé plusieurs idées à mettre en œuvre dans un avenir proche, notamment celle visant à faire mieux connaître et comprendre les mesures prises par les Unions africaines et européennes pour promouvoir l’intégration économique sur le continent.
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